Longwood
House

Le Domaine

Le 10 décembre 1815, l’Empereur quitta les Briars où il avait vécu des semaines heureuses, et s’installa à Longwood où il allait subir les épreuves de l’isolement, du climat et de la surveillance.

En effet, en acceptant le choix de la résidence de Longwood, Napoléon ne se doutait pas des vents violents qui balayaient le plateau une partie de l’année, des pluies diluviennes, et des brouillards. De plus, l’eau manquait, et l’humidité rongeait les tissus, les papiers, gâtait les cuirs et les vêtements. Le seul avantage de Longwood : le plateau était l’endroit rêvé pour installer le campement des troupes chargées de la surveillance.

Napoléon se morfondait en exil au bout du monde, au milieu de l’Atlantique Sud.

Longwood House est internationalement connue pour être la maison où mourut Napoléon, Empereur des Français, le 5 mai 1821. La présentation actuelle est celle qui se rapproche le plus de l’état de conservation de la maison à cette date bien précise.

Maison de Longwood en 1817, résidence de Napoléon

Les seuls objets qui rappelaient à Napoléon le faste de l’Empire étaient les services de tables en porcelaine et l’argenterie.

L’installation de Napoléon et de sa suite demanda de nombreuses réparations et des adjonctions aux bâtiments existants. Le résultat fut ce que nous voyons aujourd’hui : un assemblage de bâtiments disparates qui fait plutôt penser à un camp qu’à une résidence. Pendant une grande partie de son séjour, Napoléon avait, en outre, l’inconvénient de supporter le bruit et les allers et venues des ouvriers et des divers personnels de commandement. Ce fut dans ce cadre misérable que Napoléon vécut ses dernières années. Cinq ans et demi à se débattre contre les humiliations que lui fit vivre l’administration britannique ; cinq ans et demi à se réfugier dans ses souvenirs, à ne partager son quotidien qu’avec une petite dizaine de personnes, à ne jamais pouvoir trouver de véritable repos, à soupirer, à jouer le dernier acte de son existence, à s’observer jusque dans les actes les plus insignifiants d’une vie jamais abdiquée, à ne jamais céder à la résignation. Il mourut en martyr, « assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire ».

Les précieux objets que l’Empereur avait emportés avec lui sur l’île ont tous été ramenés en Europe par les différents compagnons de l’exil. Ils sont aujourd’hui autant d’objets de collections nationales et privées.

Vue de Longwood par Marchand

 
« Quand je ne serai plus ici, les voyageurs anglais feront le dessin de ce jardin fait par Napoléon. Il n’en est aucun qui ne veuille le visiter.»
Napoléon

Les jardins

Napoléon était fier des jardins de Longwood House qu’il a façonnés. Il a récupéré un jardin entretenu par les britanniques Skelton et qui comportait une roseraie. Encouragé par ses médecins qui souhaitaient qu’il fasse de l’exercice, Napoléon ne s’occupa vraiment des jardins qu’à partir de 1819 et jusqu’à la fin de 1820. Aujourd’hui le jardin comprend le Pavillon Chinois, la grotte, la cabane de jardinier et les jardins structurés par des allées creuses délimitant des parterres de fleurs tropicales et de nombreuses plantes endémiques de l’île.

Vue de la maison prise du jardin fleuri

Les mémoires de Napoléon

Napoléon « profita » de son exil à Sainte-Hélène pour mener à bien son entreprise de rédaction de ses Mémoires. En apprenant la nouvelle de son exil sur l’île, il interrogea Las Cases : « Que pourrons-nous faire dans ce lieu perdu ? ». Il s’entendit répondre : « Sire, nous vivrons du passé ; il y a de quoi nous satisfaire. Ne jouissons-nous pas de la vie de César, de celle d’Alexandre ? »
« Nous posséderons mieux, vous vous relirez, Sire ! ». Et le captif d’Europe d’acquiescer : « Eh bien ! nous écrirons nos mémoires. Oui, il faut travailler ; le travail aussi est la faux du temps. Après tout, on doit remplir ses destinées ; c’est aussi ma grande doctrine. Eh bien ! que les miennes s’accomplissent ! ».

Napoléon Ier dictant ses mémoires

« L’histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord. »
Napoléon
Le 4 août 1815, accompagné de trois généraux, d’un secrétaire et de quelques domestiques, il prit place à bord du Northumberland qui mit la voile vers la prison du bout du monde. Il y débarqua le 17 octobre 1815. Depuis plusieurs semaines, il avait commencé à dicter. Cette fabrique historique ne fut possible que par la mise à contribution des compagnons d’exil. Après quelques hésitations, il choisit les généraux Bertrand, Montholon et Gourgaud, auxquels il adjoignit le conseiller d’État Las Cases à qui il dictait parfois dans sa chambre à coucher, presque jamais dans son petit cabinet de travail qui était dépourvu de cheminée, le plus souvent dans la salle de billard.
Ces Mémoires constituent le témoignage de Napoléon lui-même, produit fini de la fabrique historique de Sainte-Hélène. Ils se caractérisent par un plan rigoureux, un découpage uniforme (chapitres, sous-chapitres), un déroulement chronologique, un style sobre, précis et sans saillies, un fond riche et dense. Prenant la posture de l’historien (qui n’est jamais, de toute façon, un observateur neutre), Napoléon y parle à la troisième personne, se donnant à lui-même du « Bonaparte », du « Napoléon » ou de « l’empereur ». Il mêle habilement l’information détaillée, historique et documentaire, les explications qui peuvent quelquefois s’avérer fastidieuses (sans perdre de leur intérêt) et la justification de ses choix et de sa conduite.
 

Les derniers jours et la mort de Napoléon

L’île de Sainte-Hélène et la demeure de Longwood sont célèbres car Napoléon y a vécu ses derniers instants et y est mort. Si la mort de Napoléon a mis en avant les problèmes de santé dont il souffrait durant son exil à Sainte-Hélène, toute sa vie cependant fut marquée par des désordres pathologiques plus ou moins graves (obésité, fièvre, gale, problèmes abdominaux). Les premiers jours de mai 1821, un hoquet tenace épuisa le malade. Inquiet, le docteur Arnott se fit assister par les docteurs Shortt, directeur des services de santé de l’île, et Mitchell, chirurgien de marine. Dans l’après-midi du 3, l’abbé Vignali s’entretint avec l’Empereur et lui administra l’extrême-onction. Pour vaincre la constipation du patient et malgré l’opposition d’Antommarchi, les trois médecins britanniques décidèrent l’administration d’une dose massive de calomel (chlorure mercureux). Le médicament provoqua un choc qui affaiblit considérablement le patient et le plongea dans un état comateux. L’agonie débuta dans la nuit du 4 au 5 et s’acheva le samedi 5 à 17 h. 49 en présence de tous les compagnons, officiers, abbé, médecin et domestiques, ainsi que la scène a été immortalisée par le célèbre tableau de Steuben. A minuit, les domestiques effectuèrent la toilette mortuaire.

« La mort de Napoléon », estampe

« Je meurs prématurément, assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire ; le peuple anglais ne tardera pas à me venger. »
Napoléon

Le testament

A partir du 11 avril, Napoléon s’enferma de longues heures en compagnie du général de Montholon et rédigea son testament. Le document principal fut recopié et signé le 15 avril. Jusqu’au 27, il écrivit ou dicta une série de codicilles (acte ajouté à un testament pour le modifier) dans ses moments de lucidité. Il accepta de revoir Antommarchi et lui prescrivit d’effectuer une autopsie de son corps. À partir du 29, des signes de confusion mentale apparaissaient.

Écrit du 16 au 24 avril 1821, le testament original est aujourd’hui aux Archives de France. On peut y lire les célèbres phrases : – « Je meurs dans la religion apostolique et romaine dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans. » – « Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé. »

L’Empereur n’oublia pas ses compagnons de captivité. Montholon remporta 2,25 millions de francs ; Bertrand et Marchand devaient recevoir respectivement 950 000 et 500 000 francs. Pour les derniers serviteurs (Saint-Denis, Pierron, Archambault, Vignali, Coursot, Chandelier et Santini), le legs se situait entre 25 000 et 100 000 francs. Le général Las Cases a reçu des legs d’environ 300 000 francs. Seul Gourgaud ne figure pas sur la liste.

« La mort de Napoléon », peinture de Charles Steuben